Il y a belle lurette, je m'étais promis, et vous avais annoncé, une critique de
Je mange avec ma tête d'Élise Desaulniers, un essai sur les conséquences de nos choix alimentaires paru en 2011 chez Stanké. L'ouvrage s'intéresse plus particulièrement au
Québec, présente des données actuelles et nous propose de réfléchir à ce
que nous mangeons et aux choix que nous faisons sans toujours offrir de
solution toute prête.
Son auteure, Élise Desaulniers, occupe de plus en plus de place dans les médias. J'ai personnellement appris son existence il y a plusieurs années grâce à son excellent blogue
Penser avant d'ouvrir la bouche, mais elle blogue aussi sur
Voir.ca, elle donne des conférences et des cours sur l'éthique de l'alimentation et on l'entend régulièrement à la radio. C'est la John Robbins du Québec.
Je dirais d'emblée que
Je mange avec ma tête est à l'image du blogue
Penser avant d'ouvrir la bouche, qui exige une certaine concentration et ne fait pas bon ménage avec la lecture en diagonale. Si
Penser avant d'ouvrir la bouche est parfois très cérébral pour qui n'a plus l'habitude des textes argumentatifs ou philosophiques,
Je mange avec ma tête est tout de même d'abord plus facile et j'ai rarement eu à relire un paragraphe pour bien saisir le propos. Mais je dois dire que je réfléchis toujours mieux devant un document papier que devant un écran. La prose d'Élise Desaulniers est comme toujours irréprochable et ses arguments sont étayés par de très nombreuses sources présentées en fin de volume. L'auteure ne laisse rien au hasard et si elle émet une opinion, elle l'indique très clairement.
Si Élise Desaulniers est végétalienne depuis quelques années et s'intéresse ici aux questions alimentaires, elle ne se contente pas pour autant de comparer l'alimentation végétalienne et l'alimentation traditionnelle. Elle aborde la plupart des enjeux actuels, que ce soit les fermes industrielles, les organismes génétiquement modifiés, les pesticides, la pollution, le gaspillage alimentaire, le commerce équitable, la consommation d'aliments cultivés et produits localement, les aliments biologiques et la santé.
Son approche cartésienne m'a plu et plaira sans doute aux gens qui redoutent un peu de lire un ouvrage qui touche de telles questions. L'auteure fait preuve d'une grande objectivité et fait beaucoup plus appel au sens critique qu'aux émotions. Les questions de souffrance animale ne sont certes pas écartées, mais elles sont abordées autrement. Il n'est pas question ici, comme dans le film
Terriens, de nous faire vivre les mêmes émotions que celles suscitées par les séquences vidéo où l'on voit des animaux en piètre état qui sont visiblement en détresse. Ce dernier type de documents peut être révélateur pour bien des gens et le traumatisme qu'il engendre facilite grandement la transition vers un régime végétalien (ou rend carrément même impossible le retour à une alimentation traditionnelle), mais je crois qu'il éloigne aussi des gens qui souhaitent s'informer sans se faire assaillir par de telles horreurs.
Je suis végétalienne depuis plus de dix ans et j'ai lu bon nombre d'ouvrages sur l'alimentation végétalienne et l'éthique animale, mais cette lecture a rafraîchi mes connaissances en plus de m'apprendre un nombre incalculable de choses.
Saviez-vous que c'est en raison de l'ajout de vitamines A et D à l'alimentation des poulets que les éleveurs ont pu choisir de les priver du soleil et de l'extérieur? Que le boeuf haché, c'est généralement de la vache hachée? Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, l'expression « boeuf haché » me fait spontanément penser à de la nourriture, alors que l'expression « vache hachée » me fait penser à un animal dans une scène apocalyptique.
Les progrès scientifiques et l'industrialisation ont aussi permis de faire une sélection génétique chez les animaux. Ainsi, les poules pondeuses répondent à certains critères. Comme les poules ne vivent pas éternellement, les éleveurs leur font faire des petits : les poulettes deviendront à leur tour des poules pondeuses, tandis que les poulets, eux, ne pourront évidemment pas pondre d’œufs sans non plus pouvoir devenir des poulets à chair, car ils ne répondent pas aux critères de l'industrie. En effet, les poules pondeuses et les poulets à chair appartiennent bien à la même espèce, mais ils ne sont pas issus de la même sélection génétique. Lorsque vous achetez des œufs, la poule qui vous l'a pondu n'a pas été abattue, mais ses poulets, eux, si. En fait, ils ne bénéficient même pas d'un traitement de faveur pour « enlever » leur souffrance avec un pistolet à percuteur lorsqu'on les tue : règle générale, ils sont littéralement broyés vivants.
Je cite Élise Desaulniers sur la sélection génétique :
[…] Presque tous les animaux d'élevage sont voués à souffrir du simple fait de leur constitution : structure osseuse trop faible, difficultés à se déplacer, problèmes cardiaques. C'est un peu comme si l'on avait donné naissance à des personnes handicapées de façon volontaire et programmée. En fait, ces animaux, souvent incapables de se reproduire naturellement, peuvent difficilement vivre plus vieux que l'âge auquel on a prévu de les tuer. […] Mais le fait qu'ils soient plus « artificiels » que « naturels » ne doit pas nous faire oublier que leur souffrance, elle, est bien réelle.
Comme je l'ai mentionné, Élise Desaulniers donne une très bonne vue d'ensemble de tout ce que l'on retrouve dans nos assiettes. Aussi consacre-t-elle un chapitre fort instructif aux poissons. Elle passe en revue la pêche en mer (surpêche, chalutage, prises accessoires, etc.) et s'intéresse aux poissons d'élevage. Je ne savais pas que bien souvent, le saumon de l'Atlantique, c'était du saumon que l'homme place en mer (en fait, dans des cages et des filets)... on est loin aussi du saumon qui mène sa vie comme il l'entend jusqu'à ce qu'un pêcheur l'attrape.
J'ai aussi appris que l'aquaculture était très polluante :
Trois saumons [en aquaculture] produisent autant de déchets qu'un être humain.
Sur les prises accessoires :
Lorsque l'on achète un kilo de crevettes au supermarché, c'est [...] au moins cinq kilos d'animaux marins gaspillés qu'il faut ajouter sur la balance!
L'auteure s'étend longuement sur le concept de douleur (chez les poissons, notamment) et réfute, avec une approche philosophique, dix arguments qu'on entend souvent pour justifier la consommation de viande.
Si Élise Desaulniers se penche sur le cas du Québec, elle ne manque pas de comparer nos progrès à ceux d'autres pays. C'est une bonne façon de voir si certains objectifs sont réalistes ou non. Par exemple, dans certains pays d'Europe, la castration des porcs doit nécessairement se faire sous anesthésie. À quand une telle mesure chez nous?
Si vous suivez un tant soit peu Élise Desaulniers, vous n'êtes pas sans savoir qu'elle a fait paraître un deuxième ouvrage la semaine dernière :
Vache à lait. Je ne me le suis pas encore procuré, mais cela ne saurait tarder. On en parle
ici,
ici,
ici et
ici, notamment.
Je mange avec ma tête est à mon avis un incontournable pour ceux qui ne connaissent pas bien l'envers de leur assiette... et croyez-moi, on n'en sait jamais assez. On y trouve une mine de renseignements et de pistes de réflexion qui sauront stimuler vos neurones. C'est pourquoi je vous recommande chaudement d'aller en chercher un exemplaire en librairie.
J'avais également envie de faire tirer un exemplaire de
Je mange avec ma tête sur
Vegan à Montréal, alors j'ai profité de ma visite de l'EXPO Manger Santé et Vivre Vert pour acheter un exemplaire signé des mains mêmes d'Élise Desaulniers. Vous voulez courir la chance de le gagner? Inscrivez-vous au concours!
Vous avez jusqu'au 4 avril 2013 pour participer et le concours est réservé aux personnes qui ont une adresse au Canada. J'annoncerai la personne gagnante le 6 avril 2013.
Pour participer, vous n’avez qu’à laisser un commentaire sous cet article. De plus, vous aurez droit à une participation supplémentaire si vous mentionnez ce concours sur votre blogue, votre compte Facebook ou Twitter. Le cas échéant, laissez un autre commentaire pour me dire que vous avez parlé du concours. Et si votre commentaire n’est pas lié à une adresse de courriel (par exemple un compte Blogger ou WordPress), veuillez indiquer vos coordonnées dans les commentaires afin que je puisse vous joindre, ou encore revenez sur Vegan à Montréal le 6 avril pour savoir si vous avez gagné.
Bonne chance à tous!